beau la folie ; polar

:copyright: alittlebitofrain

ça brûle. fort. tu sens le liquide dégouliner à l'intérieur. il dévale paresseusement le long de ta gorge. poison sirupeux, une goutte s'échappe d'entre tes lips pleines. coup de langue. il n'en est plus rien. rien qu'un vague souvenir. autour de toi, les clients vont et viennent sans un regard. ombre sombre, tu t'es réfugiée derrière tes cheveux charbon et une cape bon marché que t'as chinée dans la boutique de seconde main pas loin d'chez toi. elle sent les champignons fraîchement coupés et le vin d'orties. ça t'rappelle le laboratoire de ton père. tu ricanes. une nouvelle gorgée d'alcool vient apaiser l'amertume dans le creux de ton ventre. ne pas penser à lui. ne pas penser à elles. juste ne pas penser. oublier cette vie dans l'vide du blue frog et sourire avec le reste de force qui demeure dans ton cœur. demain le soleil brillera. peut-être à minuit, là, sous tes paupières lourdes. la pleine lune s'en est allée il y a quelques jours pourtant la fatigue continue à creuser tes traits. un autre dis-tu au premier membre du personnel que tu vois passer. t'as besoin d'un autre verre. et juste là, dans ta poche, tu sens les quelques grammes de poudre devenir toujours plus lourds. merde. ton nez t'démange. turquoise et ambre s'affrontent. elles se mêlent, se heurtent et merde pourquoi c'est pas la turquoise qui gagne ? juste un peu de hargne et les rats s'enfuient tu divagues vagues vagues. tu caresses de tes doigts le comptoir en bois. tu griffes un peu, tu t'épuises un peu. tu t'sens seule, seule parmi la foule. la solution du drapeau immaculé n'en est même pas une ; tu ne peux pas capituler alors tu restes là, ombre parmi les ombres, seule parmi les seuls, goule parmi les goyle.  

@mandragora goyle
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Soupir lâché, entre ses dents. Une drôle d’atmosphère règne ce soir, comme une tempête qui gronde à l’horizon et qui menace d’éclater au-dessus de leurs têtes. Polar est seul, pas besoin d’être plus de toute façon. Ce soir la foule ne veut pas parler, elle ne murmure qu’à peine, y’a juste une musique pour donner le rythme aux verres qui se déposent et aux quelques éclats qui fracassent le silence de temps en temps. Polar termine d’essuyer le verre, un coup de baguette et il est rangé. Linge humide balancé sur son épaule, il parcoure la foule avant de s’arrêter sur la silhouette en face de lui. « Un autre. » Elle est là, la noirceur. Penchée au-dessus de son verre, comme tant d’autres l’ont fait avant elle. Elle n’est pas la première qu’il voit dans cet état, pas dans ce monde déchiré par la guerre. Les tripes versées sur le comptoir, les chagrins noyés dans le whisky et le déluge de regrets qui passent les lèvres séchées. L’amertume de la boisson dans l’estomac, et les voilà qui se perdent, les âmes esseulées. Il s’arrête devant elle, la sirène, peau pâle et tignasse presque noire. Attrape la bouteille entre ses doigts et lui remplit son verre, sans dire un seul mot. Lui aussi, a le nuage épais dans l’estomac. La bouche un peu pâteuse, pour une fois il n’a pas trop envie d’être là, à travers le reste du monde, mais où aller sinon ? « Juste un peu de hargne et les rats s’enfuient. » Elle ne parle à personne, il le sait Polar, mais il l’écoute tout de même. Surpris par la douceur de sa voix, malgré l’amertume qui la ponctue.  « Vous êtes qui, dans cette histoire ? La hargne ou les rats ? » Il ne sait pas pourquoi il lui parle, à la belle échouée. Mais quelque chose lui parle, lui rappelle sa propre noirceur. Attiré par elle, peut-être parce qu’ils sont semblables tout en étant radicalement différents. Ton monde et le mien. « On the house. » Qu’il ajoute en désignant son verre rempli, poison clair, potion d’oubli sans besoin de magie.

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c'était pas prévu tout ça, cette amertume. elle s'est mise à grandir avec les larmes et la douleur. juste comme ça et toi tu n'as fait qu'observer le monstre s'épanouir. impuissante, tu attends. parfois, t'es tellement anesthésiée qu't'as l'impression d'être un putain d'inferius. le cœur creux, l'espoir vide et le teint blafard. et lorsque le barman t'interpelle, tu peines à sortir du marasme de tes songes. alors ora ? hargne ou rat ? ta gorge laisse échapper un ricanement sourd. t'es les deux t'es personne juste une ombre. lequel me ressemble le plus d'après vous ? là, assise comme un pilier de comptoir, que donnes-tu comme image ? est-ce que le charbon sur tes paupières s'est estompé ? tu n'sais même plus depuis combien de temps il vit sur ton visage. deux heures ? deux jours ? loin loin loin dans ton crâne, tu te souviens d'un reflet doré. reflet de toi lorsque t'avais encore une chose à perdre et tout à gagner. tu t'revois les joues rouges, les cheveux brillants et quelques bijoux ornant ton cou. triste érosion. tu trinques à la goyle que tu n'es plus et ça brûle à nouveau dans la bouche. la trop grosse gorgée te bouffe déjà le fond de l'estomac. outch. et vous ? qui êtes-vous ? aujourd'hui, t'es du genre bavarde. un peu. pour dire de faire taire les hurlements d'oiseaux dans ta tête. alors tu regardes l'autre, les yeux mi-clos. c'est comme là, tapi dans l'ombre, tapi en toi. tu sens la tempête dans son regard. le genre de tempête intérieure qui te donne envie de hurler. hurler dans l'silence de la pièce parce que, merde, t'as l'impression qu'aucune de ces personnes ne voient ce qu'il se passe sous leurs yeux. mais toi tu vois. tu vois que le gars se noie peu à peu dans la même galère que toi. il fait partie de ces personnes qui respirent juste pour survivre ; parce que le battement de leur cœur est l'seul truc qui leur reste. et merde ça brûle autant que le whisky dans ton gosier.